vendredi 4 janvier 2013

L’Association des critiques et journalistes en bande dessinée fait son bilan

Fabien Deglise dans Le Devoir.


Photo : Annik MH De Carufel - Le Devoir

Une année florissante dans des tensions naissantes

Sans surprise, même si le contexte économique a été difficile, souligne l’ACBD, le secteur de la bédé a bien résisté à la crise sous l’influence de ses grands classiques et de ses grosses locomotives qui, une fois de plus, ont su attirer les lecteurs.

Au rythme de 15 bandes dessinées publiées chaque jour, l’univers du 9e art a une fois de plus confirmé son incroyable dynamisme en 2012, et ce, pour une 17e année de suite placée sous le signe de la croissance. 

Mais le portrait n’est peut-être pas aussi lumineux que ça, estime l’Association des critiques et journalistes en bande dessinée dans son rapport annuel en évoquant, pour la même période, des tensions naissantes entre auteurs et éditeurs, la difficulté pour quelques « locomotives » du monde de la bulle « de rencontrer leur public », mais aussi la complexité pour la bédé de trouver sa place dans les univers numériques. Entre autres choses.

« L’émergence des bandes dessinées numériques offre de nouvelles pistes, mais leurs développements sont encore très hésitants », résume Gilles Ratier, secrétaire général de l’Association des critiques et journalistes en bande dessinée dans le rapport annuel de l’organisme international, rapport qui vient tout juste d’être dévoilé. « En 2012, la diffusion du 9e art sous forme digitale reste encore marginale. » Elle se joue aussi principalement et paradoxalement dans l’univers du piratage où, selon une étude européenne de l’Observatoire du livre et de l’écrit, l’offre, avec 10 000 titres recensés, « progresse plus que dans les sphères légales », précise l’ACBD.

Côté papier, toutefois, les choses vont bien en 2012 avec la publication de 5565 albums pour l’année qui s’achève, soit une hausse de 4 % par rapport à l’année précédente. Cela représente un rythme soutenu de 15 bédés chaque jour, ou plus de 100 par semaine. De ce nombre, 4100 albums étaient de pures nouveautés. Cela représente 270 albums de plus que l’an dernier.

Titeuf et les autres

Sans surprise, même si le contexte économique a été difficile, souligne l’ACBD, le secteur de la bédé a bien résisté à la crise sous l’influence de ses grands classiques et de ses grosses locomotives qui, une fois de plus, ont su attirer les lecteurs. 

C’est le tome xiii de Titeuf, oeuvre de Zep, qui remporte d’ailleurs la palme d’or en la matière avec un million d’exemplaires vendus, loin devant le numéro 2 des meilleurs vendeurs : le Lucky Luke scénarisé par Daniel Pennac et Tonino Benacquista, qui a atteint en 2012 les 450 000 exemplaires. Le tome xviii de Largo Winch, le tome xxi de Blake et Mortimer, le tome xxi de la série XIII, le tome xvii du Chat de Philippe Geluck, le tome xiii de Kid Paddle ou encore le tome vi de la série Lou complètent cette liste des aimants à lecteurs cette année, selon l’ACBD.

Centré sur ses valeurs sûres, le 9e art francophone a également poursuivi son ouverture sur le monde extérieur en faisant, pour une autre année de suite, une jolie place aux traductions d’oeuvres imaginées et mises en images dans d’autres zones culturelles. 

Ainsi, 2234 bédés étrangères ont été traduites en 2012, soit 200 de plus que l’année précédente. 

Elles provenaient majoritairement de l’Asie, mais également des États-Unis, qui sont à l’origine d’un autre grand succès dans le domaine de la bédé en 2012 : l’adaptation en bédé des Simpson, le dessin animé signé Matt Groening, a joui d’un tirage variant entre 50 000 et 120 000 exemplaires pour les trois albums lancés sur le marché. ¡Ay caramba !, comme dirait l’autre.



Ce jeu de transfert culturel a également fait apparaître quelques bijoux, dont L’hiver du dessinateur de l’auteur espagnol Paco Roca, qui évoque le travail du bédéiste dans l’Espagne franquiste, ou encore L’incroyable histoire de la sauce soja du Japonais Fumio Obata, traduit en français par la maison d’édition québécoise La Pastèque.




50 incontournables

Le Québec s’est illustré à plusieurs reprises cette année dans le champ de la bédé et s’illustre aussi dans le rapport annuel de l’ACBD, qui fait des Chroniques de Jérusalem de l’auteur Guy Delisle une des 50 bédés incontournables de 2012. 

L’oeuvre a été primée au Festival d’Angoulême au début de l’année. Elle côtoie dans ce palmarès des titres prestigieux, dont La douce de François Schuiten, Les derniers jours de Stefan Zweig de Guillaume Sorel, Blast de Manu Larcenet ou encore Un peu de bois et d’acier de Christophe Chabouté.


Au sortir de l’année 2012 et à l’heure des bilans, l’ACBD souligne également l’influence toujours aussi grande du 9e art sur d’autres sphères de la culture, le cinéma en tête, où les personnages de bédé se sont encore une fois bien exhibés. 

Cela a été le cas du Marsupilami, mis en mouvement par Alain Chabat, d’Astérix adopté par Laurent Tirard et placé dans une aventure le mettant au service de Sa Majesté, ou encore de Couleur peau, oeuvre autobiographique de Jung que Laurent Boileau porte au grand écran.

Tout ça pourrait donner motif à sortir les bulles pour fêter, mais l’ACBD préfère rester lucide devant une année qui a aussi vu naître une importante crise de confiance entre Casterman et ses auteurs phares, crise qui s’est déplacée sur la place publique cet automne avec menace de défection collective d’un groupe de grosses plumes. Bilal, Geluck, Loisel, Tardi, Loustal, les ayants droit d’Hergé et d’Hugo Pratt étaient du nombre.

 Du coup, pour la suite des choses, l’association précise : « Inquiétude, vigilance et prudence sont de mise ! »

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